“Organiser des événements, c’est créer de l’émotion”
05 novembre 2019L’économie de l’expérience tourne à plein régime et le secteur événementiel en récolte les fruits. “Les gens ne croient plus au fake, ils veulent de l’authenticité. Et un événement est toujours authentique”. Bartel Van Iseghem de MeetMarcel a un regard clair sur l’actuel climat positif au sein du secteur et il essaie aussi de se faire une idée de l’évolution future du secteur. “Il y a un tel besoin d’expertise que les structures de type ‘me, myself and I’ ne seront plus tenables.”
Nous nous sommes entretenus avec Bartel Van Iseghem le jour même où l’ACC dévoilait les chiffres de rentabilité des agences de communication belges (voir page 27 de ce magazine, ndlr). Les marges brutes des agences de communication semblent sous pression, mais le segment des agences événementielles s’en sort bien, progressant de 15%. “15% en un an, c’est n’est pas rien”, souligne Bartel Van Iseghem. “Notre secteur est en pleine croissance parce que le monde change. Les gens ne croient plus au fake, ils veulent de l’authenticité. Ils ne veulent plus voir de vidéo pour présenter une voiture, ils veulent s’asseoir dans cette voiture. Ils ne veulent pas voir une joyeuse famille attablée pour le petit-déjeuner, ils veulent goûter eux-mêmes ce yaourt. L’économie d’expérience a pris une importance énorme. Les jeunes générations sont dans l’optique ‘la vie, c’est aujourd'hui’. Nos parents épargnaient, faisaient des ‘réserves’ pour plus tard. La nouvelle génération veut voyager maintenant, goûter à tout maintenant. Ils pensent à demain mais ça les tracasse moins.”
Tout le monde cherche une manière différente de profiler son identité sur le marché. Même les marques et secteurs plus conservateurs. C’est une formidable opportunité pour nous, secteur événementiel.
Les marques en quête d’authenticité
“Dans l’économie d’expérience, il y a un mot absolument essentiel : authenticité. Les marques et prestataires de services veulent être authentiques. Il ne faut pas essayer de vendre ce qu'on ne peut pas réaliser. Ça n’intéresse pas les jeunes générations. Ce qu’ils veulent, c’est que vous soyez fidèle à ce que vous dites. Une vidéo peut être truquée mais un événement est toujours authentique. Vous l’avez ressenti, vous l’avez vécu. Cette évolution nous positionne aujourd’hui comme un marché en croissance, avec un potentiel énorme. Je pense que nous sommes encore loin d’avoir atteint le plafond. Tout le monde cherche une manière différente de profiler son identité sur le marché. Même les marques et secteurs plus conservateurs. C’est une formidable opportunité pour nous, secteur événementiel.”
Diversité dans la structure
MeetMarcel repose aujourd'hui sur trois associés. Une structure qui pour Bartel Van Iseghem recèle de nombreux avantages. “Je pense que ces dernières années dans le secteur, on ressent bien que les agences qui fonctionnent avec plusieurs associés ont une force unique. Les influences sont variées, les expertises aussi et il y a plusieurs personnes pour guider la machine. Lorsque j’ai fait mes débuts dans le secteur il y a 17 ans, les agences étaient souvent dirigées par une seule personne qui organisait ses événements de manière autoritaire. Aujourd'hui, les rapports se diversifient dans les structures d’actionnariat, et loin d’être problématique, cela a plutôt un effet de renforcement. En règle générale, je pense que les agences doivent miser sur une plus grande diversité, y compris au niveau des dirigeants. L’époque du pater familias, du ‘parrain’ qui siège à la tête de l’agence jusqu’à ce qu’il n’ait plus d’autre choix que vendre, est révolue. C’est un constat que l’on tire quand on voit qui sont les agences fortes de notre pays actuellement. Pour MeetMarcel, j’envisage un avenir avec plus d'ouverture pour les jeunes. J’ai 40 ans, et ça ne m’intéresse pas d’accroître ma part dans MeetMarcel. Si un de mes associés voulait démanteler, je préfère largement que ce soit quelqu’un d’ambitieux de 25-30 ans qui prenne sa place. Cela génère une évolution beaucoup plus naturelle au sein de vos activités.”
Gérer intelligemment la croissance
Néanmoins, il ne faut pas que le climat positif qui règne actuellement dans le secteur événementiel tourne à l’euphorie. Nous avons des leçons à tirer de la crise qui a frappé la fin de la précédente décennie. “En devenant plus grand, on devient aussi plus vulnérable. Dans une phase de croissance, on peut faire énormément. Dans de tels moments, on a tendance à embaucher des gens, à leur offrir un bon salaire, à acheter des voitures de société supplémentaires... Mais il faut rester prudent. Nous avons tendance à vouloir nous agrandir et tout avoir en interne. Mais nous devons faire attention, et par nous j’entends l’ensemble du secteur. Ce n’est pas parce que les choses vont bien qu’il faut devenir trop gourmand. Nous devons nous efforcer de conserver notre flexibilité dans tous les domaines. Recruter de bons collaborateurs est de plus en plus coûteux. Dans l’événementiel, nous pouvons compenser grâce à la marge brute en hausse mais c’est un danger pour les autres secteurs de la communication, où ce coût commence à sérieusement se faire sentir. En tant que secteur, nous devons donc tenter de maintenir un maximum de flexibilité, car c’est ce qu’on attend d’une agence créative. Nous devons garder une certaine agilité pour rester réactifs. Car les structures rigides sont particulièrement vulnérables.”
J’ai 40 ans, et ça ne m’intéresse pas d’accroître ma part dans MeetMarcel. Si un de mes associés voulait démanteler, je préfère largement que ce soit quelqu’un d’ambitieux de 25-30 ans qui prenne sa place.
Besoin de nouvelle expertise
L’agence événementielle de demain va être confrontée à une foule de nouveaux défis, nécessitant d'investir dans de nouvelles expertises. “Le fait que notre secteur soit dans une phase ascendante va nous mettre davantage dans le collimateur du gouvernement. Nous sommes confrontés à une législation de plus en plus stricte, notamment au niveau sécurité. Cela va nous obliger à nous professionnaliser. Jusqu’à présent, nous confions la coordination de la sécurité à des partenaires qui ont suivi une formation adéquate. Mais je pense qu’à l’avenir, la sécurité va faire partie intégrante de l’agence. La législation liée au RGPD est devenue un point d’attention pour notre agence. Vous ne pouvez plus vous permettre la moindre négligence avec les bases de données. Nous avons recours à un avocat, qui s’occupe de cela pour nous.”
Collaborations inévitables
Mais le législateur n’est pas le seul à placer la barre plus haut pour les agences. Au niveau des clients aussi, les attentes sont plus élevées. “Nous constatons qu'il est de plus en plus important d’avoir un support visuel du projet à montrer au client dès la phase de présentation. Je pense que d’ici peu, les simulations 3D seront devenues la norme. Mais là encore, il s’agit d’une expertise qui a un coût. Design 3D en phase de présentation, coordination de la sécurité en phase de réalisation, RGPD... ce sont des aspects très spécifiques qui sont trop coûteux pour y assigner quelqu’un en permanence, même pour les grandes agences. C’est pour cela que je pense que la consolidation est inévitable pour l’avenir. Même si nous avons déjà une certaine envergure en Belgique, MeetMarcel est trop petit pour avoir tous ces spécialistes en interne. Donc nous allons peut-être devoir organiser certaines choses via groupement. Nous allons au-devant de tellement de choses, nécessitant des moyens financiers importants, qu’il ne serait pas raisonnable pour nous d’assumer le coût considérable d'un coordinateur de sécurité ou d’un designer 3D. Je pense que les agences vont davantage collaborer, par exemple avec des bureaux à Amsterdam, Paris… à l’instar du secteur publicitaire. Autrefois, il était lui aussi organisé en petites structures avec un seul dirigeant. Aujourd’hui, ce ne sont plus que des groupes. Ce n’est pas quelque chose dont je suis partisan, personnellement, mais je pense que c’est inévitable à long terme. Il y a un tel besoin d’expertise que les structures de type ‘me, myself and I’ ne seront plus possibles.”
Pendant les présentations des BEA, je vois souvent des collègues qui mettent l’accent sur le volet pratique de leur événement. Mais en fait, ce n’est pas ça le nœud de l’affaire. L'importance, c’est ce que les participants ont ressenti pendant l’événement.
Expérience totale
Mais le sujet préféré de Bartel Van Iseghem est les défis créatifs de son métier. “Depuis longtemps, un événement n’est plus juste une question de bonne organisation. C’est devenu une évidence. Une agence événementielle n’est plus un organisateur pratique mais un fournisseur de valeur ajoutée. Pendant les présentations des BEA, je vois souvent des collègues qui mettent l’accent sur le volet pratique de leur événement. Mais en fait, ce n’est pas ça le nœud de l’affaire. L'importance, c’est ce que les participants ont ressenti pendant l’événement. Nous sommes devenus des agences créatives. Nous créons des expériences pour les marques. Nous devons faire vivre un moment fantastique aux participants, maximiser le ressenti en créant une expérience immersive et en ajoutant des éléments neufs. Et en tant que secteur, les possibilités ne manquent pas. Il faut rompre avec les ingrédients classiques et miser sur les alternatives audacieuses.”
Écrire une histoire
Bartel Van Iseghem table donc sur une accentuation de la scission entre les agences qui offrent une expérience totale et les sociétés qui se concentrent en premier lieu sur le volet pratique. “Ce que les agences événementielles offrent en 2019, c’est une expérience totale qui commence avec l’invitation et se poursuit après l’événement. C’est pourquoi les traiteurs qui livrent eux-mêmes leurs tables et leurs chaises sur un événement ne me posent aucun problème. Ça n’a rien à voir avec ce que nous faisons. Chez nous, les invités doivent repartir avec le sentiment d’avoir participé à quelque chose d’unique et pas simplement se dire ‘j’ai bien mangé’. Un client qui veut une fête avec dîner, boissons et DJ n’a pas besoin d’une agence événementielle créative. Nous voulons pouvoir offrir une valeur ajoutée. Nous écoutons le client et sur base de ce qu'il nous dit, nous voulons écrire une histoire qui lui correspond. Avec une âme et du caractère. Ce n’est que comme ça qu'on peut créer de l’émotion. Et quand ça marche, notre métier est bien plus que régler quelques détails pratiques et gagner de l’argent. Alors, nous faisons réellement une différence”, conclut Bartel Van Iseghem.
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