“Mon entreprise et ma santé, deux facettes d’un même combat”
18 juillet 2023Fin 2019, Stefan Kerkhofs, directeur général de The Fungroup, s'était entretenu avec Experience. Lors de cette interview, il nous avait fait part de ses projets ambitieux : son entreprise venait de réaliser 3,5 millions d'euros d'investissements, et il venait de créer l'agence événementielle The WoW Company, afin de laisser libre cours à sa créativité. C’était sans compter le coronavirus, qui a balayé ces belles ambitions, forçant la société à passer en mode survie. Alors que The Fungroup retrouve lentement sa vitesse de croisière, nous revenons avec Stefan sur la période la plus mouvementée de sa carrière, qui a aussi mis sa santé à rude épreuve...
Vu la croissance réalisée en 2019, investir était la voie à suivre pour The Fungroup. “Notre nouveau bâtiment devait nous permettre de continuer sur notre lancée. Officiellement, il a été achevé le 13 mars 2020. Cinq jours plus tard, j’ai dû renvoyer tout le monde chez soi. À l'époque, nous pensions encore que ce ne serait que de courte durée, mais cela a finalement duré deux ans. Nos projets se sont effondrés. Comme beaucoup d’entrepreneurs, je me suis posé énormément de questions : dans quoi me suis-je embarqué ? Comment essayer de sauver les meubles ? Nous avons commencé à nous réorganiser et à abandonner certains produits, qui n’avaient plus trop de sens en tant qu’entreprise internationale. Avec l'espace ainsi libéré, nous voulions nous lancer dans des projets moins liés à des événements extérieurs, afin de limiter les risques.”
Effet domino
Mais au final, la plus grande difficulté n’a pas été de maintenir l’entreprise à flot. “Garder nos collaborateurs, c’est cela qui a été le plus compliqué. J’avais des gens avec 12, 15 voire 18 ans d’ancienneté... Un trésor de connaissances et de compétences. Pendant les 3 à 5 premiers mois, je suis parvenu à les garder à bord. Mais le manque de perspectives et le climat négatif entretenu par les médias par rapport au Covid ont fait des ravages. Quand les premiers commencent à s’en aller, il y a un effet domino et d’autres jettent l’éponge. En définitive, j’ai perdu 13 de mes 14 collaborateurs. Avec une telle fuite de savoir-faire, l’entreprise était complètement ‘HS’. En toute honnêteté, je suis déçu par les personnes qui sont parties. D’un côté, je peux comprendre. Mais d’un autre côté, j’ai toujours pris grand soin de mes collaborateurs. J’avais espéré que les choses se passeraient ainsi : je m’occupe de vous pendant le coronavirus, vous vous occupez de moi après. Mais ce n’est pas ce qui s’est passé.”
Continuer à se battre
Avec la perte massive de sa force fondamentale, l’entreprise était donc dans les cordes. “Mais il n’était pas question de renoncer. J’ai travaillé 35 ans pour en arriver là et j'avais aussi des engagements financiers à honorer. Je n’avais d’autre choix que de continuer à me battre. Un combat que nous avons mené étape par étape et que nous avons gagné. Tout au long de 2022 et du printemps 2023, nous avons réembauché du personnel pour tous les postes. Car nous sommes une entreprise internationale active dans 73 pays. C’est impossible à gérer à deux. Aujourd’hui, nous sommes dix et nous pouvons à nouveau travailler à l'échelle internationale.”
“Si je devais choisir entre la situation de fin 2019 et la situation actuelle où nous avons certes dû repartir de zéro, je n’hésiterais pas une seconde.”
Recommencer à zéro
Malgré les turbulences ayant entraîné la perte quasi complète du personnel, Stefan Kerkhofs ne voudrait pas revenir en arrière. “Si je devais choisir entre la situation de fin 2019 et la situation actuelle où nous sommes repartis de zéro, mais où nous avons eu la possibilité de recruter de nouvelles personnes, de remodeler et de retravailler tout ce qui n'allait pas, je n’hésiterais pas une seconde. Bien sûr, il y a encore quelques accrocs avec la nouvelle équipe, des choses qu'ils ne peuvent pas savoir parce qu’ils ne sont pas encore là depuis longtemps. Dans ce cas, je mets bien volontiers la main à la pâte. J’ai quitté mon bureau à l’étage et je travaille désormais en bas, avec le reste de l’équipe. Je peux ainsi les épauler et les informer au mieux quand ils rencontrent une difficulté. Et c’est agréable d’être à nouveau au cœur de l’action et d’apporter les ajustements nécessaires.”
Se plier en quatre
L’année dernière, The Fungroup a travaillé extrêmement dur, avec une équipe restreinte. “Lorsque nous avons enfin pu reprendre le travail après le Covid, souvent, nous ne trouvions pas assez de personnel. Tout le monde voulait profiter de sa liberté retrouvée plutôt que de travailler... Mais les clients étaient demandeurs. Nous avons donc dû nous plier en quatre l’année dernière. La guerre en Ukraine a également laissé des marques. Pour beaucoup, c’est un conflit lointain, avec peu d'impact ici. Mais en novembre 2021, j’étais encore à Kiev avec Dinner in the Sky chez l'un de mes meilleurs clients. La crise énergétique a elle aussi laissé des traces. Aujourd’hui, ce sont les clients et les entreprises qui ont tendance à freiner le jeu, et font plus attention à leurs dépenses. En 2019, nous tournions à 200 %, ce qui était trop. Pendant l’épidémie de coronavirus, nous sommes tombés à 5 %. En 2022, nous sommes remontés à 150 % et je pense qu’aujourd'hui, nous tournons autour des 80 %, un peu en-dessous de la normale, donc.”
Une ‘friandise’ dangereuse
L'année dernière, Stefan Kerkhofs a également partagé une histoire très personnelle, celle de sa dépendance aux somnifères. “Étant donné le succès international de Dinner In The Sky, j’ai vécu à 500 km/h pendant des années, enchaînant les avions et les fuseaux horaire. Dormir peut devenir problématique dans ces conditions. Quand vous travaillez en plus 16 heures par jour, votre corps a besoin de passer en mode repos. Les somnifères offrent une solution de facilité, une ‘friandise’ facile à avaler pour compenser un peu. Mais cela ne fonctionne qu’un temps. Pour maintenir le même effet, vous passez rapidement d’un pilule à deux puis à trois, quatre pilules par nuit… Et sans vous en rendre compte, vous perdez le contrôle. J’en étais arrivé à un point où six somnifères faisaient à peine effet.”
Cercle vicieux
La surconsommation de somnifères a également des répercussions pendant la journée. “Le matin, vous êtes somnolent, déphasé, incapable de réagir normalement. Tout semble se dérouler au ralenti : taper, téléphoner, parler, marcher... Je souffrais aussi de pertes de mémoire à court terme. Et de crises d’angoisse. Avant, cette idée me dépassait un peu et j'avais même un peu de pitié des gens qui parlaient de crises d’angoisse. Mais ce n’est pas quelque chose que vous pouvez contrôler. La crise d’angoisse surgit de nulle part, elle vous serre la gorge et vous donne des palpitations. Vous ne contrôlez plus votre corps. Tout ce que vous voulez, c’est dormir, ce qui veut dire encore des somnifères. C’est comme ça que je me suis retrouvé pris dans un cercle vicieux.”
Cinq mois de combat
L’année dernière, Stefan Kerkhofs s’est décidé à demander de l’aide. “Je suis allé dans un centre de désintoxication en Afrique du Sud, mais je me suis vite rendu compte que leurs solutions étaient principalement axées sur la toxicomanie et l'alcoolisme. Pourtant, cette expérience m’a ouvert les yeux. De retour en Belgique, j'ai suivi une sorte d'auto-formation, j'ai fait des exercices respiratoires, j'ai suivi une thérapie du sommeil, j'ai commencé à manger plus sainement et à être plus attentif à la façon dont je traitais mon corps. Au bout de cinq mois de lutte acharnée, j'en suis arrivé à une situation où je ne prends plus qu'un demi somnifère par jour – une véritable renaissance.”
“Si je devais choisir entre la situation de fin 2019 et la situation actuelle où nous avons certes dû repartir de zéro, je n’hésiterais pas une seconde.”
Problème méconnu
C’était un choix délibéré de la part de Stefan de partager son histoire. “J’étais convaincu que c’était un problème touchant de nombreux entrepreneurs mais dont on ne parle pas ou peu. C'est d’ailleurs ce qui est ressorti des nombreuses réactions que j'ai reçues. Je ne savais pas qu’autant d’entrepreneurs majeurs en Belgique avaient mon numéro ! Beaucoup se reconnaissaient dans cette problématique. Mais même si la situation semble désespérée, il existe des solutions. Je voulais inciter les gens à moins se tourner vers les somnifères. Si j’ai pu faire prendre conscience du danger qu’ils représentent ne serait-ce qu’à une seule personne, c’est déjà une victoire.”
Prêt à reprendre et se développer
Stefan peut aujourd'hui à nouveau se concentrer pleinement sur The Fungroup. “Pour moi, 2023 est une année de stabilisation, pour tout mettre en place et préparer correctement tout le monde. Je pense à un nouveau site web, à un nouveau système CRM, à un nouveau système de comptabilité,... Ces deux dernières années, je me suis essentiellement attelé à préparer l'entreprise pour l'avenir, afin de pouvoir reprendre une croissance opérationnelle en 2024. Les gens ont l’habitude de nous voir arriver avec de nouveaux produits chaque année. Nous avons marqué une pause à ce niveau mais nous sommes prêts à reprendre. C’est tellement motivant de lancer des nouveautés sur le marché. Nous venons de faire nos premiers investissements de 2023, environ 1 million d’euros. L’avenir à court terme s’annonce prometteur. L’activité reprend au niveau international. D’ici octobre, le concept Dinner In The Sky est booké en Jamaïque, aux Bahamas, en Turquie, au Portugal et en Jordanie. Et notre événementiel national annuel – à Waterloo cette année – affiche également complet.”
Un nouveau souffle pour The WoW Company
L’agence événementielle The WoW Company va également poursuivre son histoire. “Nous avons lancé l’agence en octobre 2019. Cinq mois plus tard, nous avons dû tout mettre en stand-by. Entre-temps, j’ai racheté la part de mon associé Peter Velghe, parce que je ne voulais pas le laisser dans l’expectative plus longtemps. Ma priorité, c’était de remettre The Fungroup sur les rails. Car si la maison-mère est en difficulté, cela n’a aucun sens de se concentrer sur les activités secondaires. Mais en 2024, j’espère bien donner un nouveau souffle à The WoW Company. Le moment venu, nous reprendrons là où nous nous sommes arrêtés, probablement avec un nouvel associé”, conclut Stefan Kerkhofs.
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