Chronique : “Le sentiment de vacances aux abonnés absents”
19 août 2020Geert Maes, Head of Fairs & Exhibitions à Brussels Expo a pris la plume la semaine dernière pour nous faire part de son point de vue sur la situation du secteur belge des expositions.
“Je m’étais pourtant promis de ne rien écrire pendant mes vacances. Mais apparemment, l’envie est trop forte pour tenir cette simple promesse faite à moi-même ou alors – ce qui me semble plus plausible – je ne ressens pas une once de sentiment de vacances. Même confortablement installé sur ma terrasse à la mer pendant une canicule à la belge, à siroter un bon verre de vin rouge, je me surprends – dans le pur esprit corona – à penser aux autres.”
“Tout particulièrement à mes collaborateurs, qui sont actuellement soit en vacances, soit au chômage technique. Je viens de refaire leur planning pour le mois d’août : tout le monde ou presque en chômage technique. Eh oui car même si le dernier Conseil de sécurité – j'avoue, complètement noyé sous les mesures renforcées – a donné le feu vert pour la reprise des salons et congrès à partir du 1er septembre (youpi), mes clients organisateurs ne pouvaient plus attendre. Presque tous les salons prévus ou reportés en septembre ont été annulés. Les exposants redoutent de participer. Certains parce qu'eux-mêmes et/ou leur personnel n'osent pas ou ne sont pas autorisés à le faire par le siège social à l’étranger, pour des raisons de santé. D'autres par crainte que l’investissement dans la participation, la décoration du stand et la mise en place de personnel ne soit pas rentable en raison de l’affluence moindre de visiteurs. D’autres encore pour l’ensemble des raisons évoquées ci-dessus.”
“Mes pensées vont donc aussi aux organisateurs. Certains sont des entreprises privées, d’autres des fédérations. Mais tous sont passionnés par leur métier : créer un lieu de rencontre commercial agréable rassemblant l’offre et la demande. Car on peut échafauder autant de grandes théories qu'on veut sur notre métier ; tout bien considéré et si on se cantonne à l’essentiel, nous ne sommes rien d’autre qu’un marché (couvert, il est vrai). Je suis donc très content que nous sachions désormais – depuis le dernier Conseil de sécurité – de quelle autorité ministérielle nous dépendons (le commerce et l’économie) et que nous ayons échappé à la sphère – certes plus sexy – mais bien mal embarquée du secteur événementiel. Qu’on associe trop souvent à l’image négative des événements de masse.”
“Mais indépendamment de ces préoccupations sectorielles, mes pensées vont également aux fournisseurs. Au-delà de ces frontières sectorielles, ce sont presque les mêmes, que ce soit dans le secteur de l'événementiel, des salons, des congrès ou de la culture. Techniciens son et lumière, monteurs de scène, riggers, loueurs de matériel AV, tapis, plantes et meubles, développeurs de systèmes d’enregistrement et de billetterie, traiteurs, serveurs, hôtesses... Pour la plupart des freelances ou des indépendants qui ont vu leur monde et leurs revenus s'effondrer. Pas décimés, pas divisés en deux mais réduits à zéro, du jour au lendemain. Des travailleurs motivés, contraints de descendre dans la rue. Une situation présentée comme “temporaire”, mais est-ce que quelqu’un parmi tous ces virocrates peut dire jusqu’à quand précisément ce temporaire va durer ? 3 travailleurs sur 4 (si pas plus) sont au chômage technique. Ils ne vont plus pouvoir attendre très longtemps. Ils cherchent déjà autre chose ou l’ont déjà trouvé.”
“C’est aussi à ces gens que je pense. Certains se sont transformés en fournisseurs de distributeurs de gel hydroalcoolique, d’autres se sont lancés dans la conception et la fabrication de masques buccaux à la mode. Une belle preuve de résilience et de flexibilité. Mais ce n’est pas ça qui paie les factures. Il n’y a pas l’option ‘à emporter’ dans le secteur événementiel et culturel, pas de possibilité d’agrandir la terrasse dans le secteur des expositions... Et ce qui me frappe, c’est que je ne vois ici aucun appel massif au soutien, comme dans l’Horeca. Où est donc passée cette mentalité du tous ensemble…”
“Un gouvernement chargé d’édicter des décrets ne devrait-il pas avoir l’intelligence – s'il décide de paralyser certains secteurs – de prévoir dans la foulée des mesures de soutien et d'accompagnement ? Doit-on vraiment avoir chaque fois recours à une juridictions pour faire appliquer quoi que ce soit ? Où est-ce le facteur d’“intelligence” qui fait ici défaut ?”
“Alors que je regarde le dernier rayon de soleil disparaître à l’horizon sur la mer du Nord – un sujet hautement Instagrammable s’il en est – je me demande quel(le) politicien(ne) est prêt(e) à se mouiller pour ce secteur. Une entreprise événementielle sur trois ne verra pas la fin de l’année, d’après les statistiques. Je ne sais pas de quel biostatisticien viennent ces chiffres, mais je les crois. Bien plus que ceux des contact tracers…”
Geert Maes
Head of Fairs & Exhibitions Brussels Expo