Mira Sofia, dime Sofia. Détachement international, mode d’emploi…
01 février 2019Imaginez que vous êtes constructeur de stands. Vous êtes engagé par une grande agence événementielle pour installer des stands dans sept des douze palais du Heysel à Bruxelles. Vous avez deux jours. Un contrat particulièrement intéressant du point de vue commercial, si ce n’est que vous manquez sérieusement de main d'œuvre pour l’honorer. Vous vous mettez en quête de renforts en toute hâte. Via internet, vous trouvez deux sociétés de construction de stands bulgares qui, à des conditions très intéressantes, peuvent vous fournir directement vingt personnes. Vous y allez ? Ou vous jouez la prudence ?
Faire (faire) des tâches en sous-traitance dans un contexte international est très populaire. Les avantages concurrentiels ne sont pas négligeables. Parce que le travail n’est pas imposé de la même façon partout dans l’Union européenne. Parce que la prospérité n’est (pour l’instant) pas également répartie et que le travail n’est pas rémunéré à même hauteur partout. Et parce que travailler avec des sous-traitants apporte une certaine flexibilité qui manque à la relation employeur/employé. À l’heure d'internet, le marché est aussi devenu beaucoup plus accessible aux entreprises étrangères.
Pourtant, la prudence reste de mise. The sky is not the limit. Les travailleurs détachés de l’étranger sont en effet bien protégés et en ces temps de lutte contre la fraude et le dumping social, l'œil de lynx de l’inspection n’est jamais bien loin.
Quelques règles de base si vous vous lancez sur le marché du détachement international.
1 – Les travailleurs qui viennent effectuer un travail en Belgique dans le cadre d’une sous-traitance sont en principe soumis au droit du travail belge. Cela signifie que votre sous-traitant étranger doit leur verser le même salaire minimum et leur faire prester le même nombre d’heures que leurs collègues belges, que les heures supplémentaires doivent être payées de la même manière et qu’ils ont droit aux même jours fériés, aux mêmes vacances, etc. Restez donc en alerte quand les prix sont trop bas ! Et pensez que dans certaines circonstances, vous devez assumer une part de responsabilité en tant que commanditaire belge.
2 – Vérifiez si votre partenaire étranger potentiel est véritablement une entreprise, avec des activités substantielles dans son pays. Cherchez où se trouve le siège social et si l’entreprise réalise un chiffre d’affaires dans ce pays. Regardez où vous arrivez via Google Earth, par exemple. Il n’est pas rare que l’adresse mène à un immeuble à appartements ou à une maison abandonnée, ou même à une simple boîte postale.
Est-ce problématique ? Oui. Faire appel à une société étrangère qui n’existe que sur papier ou sur la toile peut avoir des conséquences fâcheuses, y compris pour le commanditaire belge. Les sociétés ‘boîtes aux lettres’ mènent souvent à une ‘mise à disposition interdite’. Dont l’employeur belge partage les retombées.
3 – Veillez à ce que votre administration soit en ordre. Une entreprise étrangère doit faire une déclaration Limosa préalablement à la mise au travail. Si elle ne le fait, l’inspection considère que l’entreprise belge en partage la responsabilité. Demandez donc l’attestation L1 avant le début du projet et vérifiez si nécessaire l’authenticité du document à l’aide de l’appli Limosa. Demandez aussi à l’entreprise étrangère - et ce conseil est crucial - les documents A1, qui attestent que les travailleurs détachés ont une assurance sociale correcte dans leur pays et qu’ils font bien partie du personnel de l’entreprise étrangère. Veillez à disposer de ces documents avant le début du travail. Ce n’est pas une condition formelle pour un détachement valable mais cela donne une longueur d’avance juridique en cas de discussions avec l’inspection par rapport à la validité du détachement.
4 – Évitez les discussions par rapport à la qualité d’employeur. Conduisez-vous comme un commanditaire et non comme un employeur par rapport au personnel étranger. Communiquez uniquement avec leur direction ou leur responsable sur votre chantier.
5 – Un dernier conseil, mais capital. Faites-vous bien conseiller avant de vous lancer et concluez un contrat clair avec l’entreprise étrangère, stipulant toutes les dispositions légales. Cela évitera pas mal de problèmes en cas de discussions avec l’inspection sociale.
Alain Uyttenhove
Avocat
Crivits&Persyn