Event management

Nov 21, 2024, 16:43
“Les sens sont la porte vers des souvenirs mémorables”

“Les sens sont la porte vers des souvenirs mémorables”

03 juin 2024

Expert dans l’art des émotions, Steven Martin s’est bâti un palmarès impressionnant en trois décennies, incluant la direction et/ou la création d'une cérémonie olympique, plusieurs grands spectacles dans des stades, des événements commémoratifs mémorables, des shows spectaculaires sur la scène principale de Tomorrowland et bien plus encore. Avec ses labels Architect of EMOTION et The Cintamani Stone, il travaille à l’échelle nationale et internationale et s’efforce de donner vie aux rêves de ses clients selon une approche artisanale. Experience Magazine est allé à sa rencontre pour un échange passionnant passant en revue sa carrière, sa vision et ses rêves professionnels.

 

Après s’être forgé une solide expérience en travaillant pendant une dizaine d’année pour des agences comme De Kie, Any Performance et Twins, Steven Martin était arrivé à un tournant de sa carrière en 2004. “Je devais trouver mon “ikigai” et j’ai fait un petit bilan : Qu’est-ce que j’aime faire ? Dans quoi suis-je bon ? Et parmi tout cela, avec quoi puis-je gagner ma vie ? La conclusion de cette introspection ? Une profonde affinité avec tout ce qui touche à la créativité et ce qui se passe sur et autour de la scène. À l’époque d’Any Performance, j’avais vu un spectacle de Luc Petit sur le canal périphérique de Gand. Cela m’avait ému à un point, j’étais totalement ébloui. Et c’est là que j’ai su que c’était ce que je voulais faire. Je me suis beaucoup inspiré de Luc Petit dans mes premières années, et Dirk Decloedt m’a aussi ouvert de nouvelles perspectives. Mais je me rendais bien compte que pour arriver à leur niveau, je devais me construire un réseau dans le monde artistique et investir dans la recherche de nouvelles technologiques et de nouvelles idées.”

Boîte à outils de services

Une fois lancé comme indépendant, Steven Martin s’est donc dirigé vers un rôle de “creative service provider”. “Le nom qui collait le mieux à ma démarche était Architect of EMOTION. Un architecte n’est pas un artiste mais il joue souvent sur la corde artistique et créative. Cependant, il doit garder en tête les lois de la physique, sinon son bâtiment s’écroule. Mais il peut contourner et façonner ces lois pour créer des choses hors du commun. Architect of EMOTION s’appuie sur une boîte à outils de service : développement de concept, design de scène, scénographie, visualisation, storyboarding, scripting, ghostwriting, réalisation, coaching d’orateurs, création d’animations, direction de plateau… Quels que soient vos besoins créatifs, j’ai le personnel adéquat ou je m’en charge moi-même.”

Rester concentré

Bon nombre d’agences ont leurs propres talents créatifs. Pourquoi impliquer un producteur artistique/créatif externe dans leur projet  ? “C’est une question de concentration et de connaissances. Beaucoup d’agences produisent des choses magnifiques et ont d’excellentes idées. Mais il faut parfois un petit coup de pouce pour rester concentré sur l'objectif. Quand vous dirigez une agence événementielle, vous avez énormément à gérer de front, parfois cinq ou six projets. Et pendant ce temps, il faut aussi caser le rendez-vous avec le comptable, l’organisation des tables et des chaises, le budget, les autorisations... Et là, vous perdez l'objectif de vue. Mon job est de garantir cette concentration. Quand on est surchargé, on a tendance à se tourner vers ce qui est familier, ce qu'on maîtrise mieux. Mais ce n’est pas l’effet recherché. Lorsque dix personnes réfléchissent à une solution logique, c’est souvent l’option la moins logique qui est la plus réaliste.”

“Je dis toujours à mes clients : osez rêver. Qu’est-ce que vous voudriez vraiment pour votre événement ?”

Cocréation

La répartition des tâches entre Steven Martin et les agences se fait toujours très facilement. «La cocréation fonctionne très bien. Généralement, on tâtonne un peu à la première collaboration. Mais en­suite on trouve rapidement un rythme, un équilibre. Et après plusieurs produc­tions, la répartition se fait naturellement et je m’intègre à l’équipe. C’est une de mes forces auprès des agences. En fait, je tourne généralement avec huit clients à peu près. Quand l’un d’entre eux s’en va, un nouveau prend sa place. Mais le fee­ling doit passer avec le client. Les agences avec lesquelles je travaille ont un peu la même mentalité. Avec énormément de valeurs humaines et de respect mutuel. Les façons de travailler peuvent être dif­férentes. Sophie Naze de chez KonseptS, par exemple, aime rassembler elle-même tous les ingrédients. Ensuite, j’enfile ma toque de chef, pourrait-on dire, pour concocter une production avec ces élé­ments. D’autres clients préfèrent du sur-mesure complet et me confie toute la gestion. Tout est possible. La plupart de ces collaborations remontent à plusieurs décennies. TCS-AoE, par exemple, a été un de nos premiers partenaires créatifs lors du lancement de MediaMixer. Et aujourd’hui, nous travaillons toujours avec eux, avec à chaque fois des projets très créatifs.»

Équipe d’experts

Bien que Steven Martin travaille en tant que freelance, il peut compter sur un réseau de collègues avec une solide ex­périence. «Si un client veut réaliser une comédie musicale sur son entreprise, par exemple, j’ai cinq personnes expérimen­tées que je peux directement appeler. Comme par exemple l’événement réalisé pour les 100 ans de Calesberg. Dans d’autres domaines aussi, je peux compter sur les bons spécialistes. Je suis heureux d’avoir su gagner la confiance des grands noms du secteur. Avoir des gens d’un tel calibre qui veulent travail­ler avec moi, c’est ma plus grande fierté. Lorsque je reçois une demande, je com­pose mon équipe et nous nous mettons directement au travail.»

L’émotion, le moteur de chaque création

Il y a 20 ans, Steven Martin a été parmi les premiers à utiliser les termes émotion et storytelling. “C’est vraiment le fil conducteur des shows que je crée. Je pense par exemple aux festivités des 75 ans de la Libération, où Sylvester m’avait sollicité pour un spectacle lumineux sur l’hôtel de ville d’Anvers. J’ai fait énormément de recherche en préparation de ce projet. Je me suis rendu à la caserne Dossin, à Breendonk, j’ai dialogué avec la communauté juive... Je suis arrivé à un concept avec une scénographie étrange – avec une scène de 40 mètres de large sur 2,5 mètres de profondeur – où différentes photos prenaient vie. Nous voulions faire ressentir aux Anversois les émotions de la population en 1942 à la vue des troupes nazies investissant les rues de la ville. Avec un budget optimisé et des acteurs non professionnels – pour plus de sincérité et d’authenticité – nous avons littéralement rendu le public muet d’émotion. C’est là qu’est ma force : susciter l’émotion pour créer un ressenti. Les sens sont votre porte d’accès, touchez-les tous et vous créez des souvenirs mémorables. Un contenu dont les gens vont parler et qui va perdurer. Que ce soit le lancement d'une voiture, une commémoration ou une campagne de sensibilisation... Le facteur émotion vient toujours renforcer le message.”

Moins de moyens, autant de créativité

Steven Martin est peut-être connu pour ses grands spectacles, mais cela ne veut pas dire qu'il est fermé aux plus petites productions. “Les projets plus modestes sont tout aussi passionnants et parfois même plus complexes ! Je dis toujours à mes clients : osez rêver. Qu’est-ce que vous voudriez vraiment pour votre événement ? Une fois que je le sais, nous pouvons réaliser des choses, même avec un budget limité. Quand un client dit qu’il rêve d'un dîner-spectacle Cirque du Soleil, je peux par exemple booker un artiste belge qui descend le long d’une corde et réalise un numéro avec les techniques du Cirque du Soleil. Ou pour un client qui a envie d’un événement sous l’eau : une bande LED avec des images d’ambiance et une baleine qui passe de temps à autre. Cela donne le sentiment d’être sous l’eau, avec peu de budget. Ce sont parfois des idées toutes simples, mais il faut y penser.”

Différents tarifs

On pense toujours que faire appel à un producteur créatif coûte très cher, mais pas forcément. “Il faut bien sûr un certain budget pour réaliser une production ou un show complet. Mais pour des services comme la régie, etc., je ne suis pas plus cher que d’autres. De plus, j’ai mon propre studio, où je peux créer mon propre contenu visuel. Cela me permet de fournir de très beaux décors pour un budget raisonnable. D’ailleurs, je ne travaille pas avec un tarif unique. Lorsque je dois vraiment créer un show de A à Z et faire des recherches... J’applique mon tarif le plus élevé. Mais ça, ce n’est que pour une journée ou quelque jours tout au plus. Tout ce qui vient ensuite – la préproduction créative – passe à un tarif moins élevé. Et pour les journées de production de l’événement, ça descend encore un peu. Pour ces tarifs, je m’aligne sur le marché. Et les clients semblent trouver cette démarche tout à fait juste. Je n’ai encore jamais eu de commentaires sur mes tarifs de création. Parce qu’ils ne s’appliquent que pour une courte période. C’est donc un modèle qui fonctionne bien.”

The Cintamani Stone

Outre Architect of Emotion, Steven Martin travaille aussi sous un deuxième label : The Cintamani Stone. “Ou la Pierre des Rêves. The Cintamani Stone est en fait la partie production de spectacles, principalement active à l'étranger. Dîner-spectacles sur mesure, comédies musicales, commémorations, concerts, lancements de produit novateurs, défilés de mode ou même spectacles géants dans des stades et cérémonie d’ouverture/de clôture, les productions sont variées. Le client reste responsable des aspects lieu, branding, média, hôtesses, personnel, catering... Mais tout ce qui se passe sur la scène, dans la salle ou sur le terrain, c’est mon domaine, du début à la fin. De cette façon, nous créons des spectacles sur mesure au sein d’un événement global.”

Un show réussi

Mais qu’est-ce qu’un show ou un événement vraiment réussi pour Steven Martin ? “C’est une question difficile. Quand je peux dire que c’était vraiment un sans-fautes. Quand tout s’est déroulé selon le plan établi, avec une marge de tolérance pour les circonstances. Pour moi, un événement réussi, c’est aussi un événement où je n’ai pas le sentiment que “maintenant que je l’ai vu, j’aurais fait telle ou telle chose différemment”. Et je ne l’ai pas souvent. Généralement, il y a ici ou là une scène où je vois matière à amélioration. Heureusement, j'ai appris qu'il y a une différence entre mon jugement et celui du public et du client. Je suis au moins 20 % plus critique, ce qui est un luxe quelque part.”

“Je trouve dommage que tout soit devenu si propre et carré de nos jours. Pourquoi dissimuler la plus belle partie de notre job ?”

Ambitions

Malgré son palmarès impressionnant, Steven Martin a encore quelques rêves professionnels qu'il espère concrétiser. “J’aimerais travailler sur un show comme les Oscars, par exemple. Simplement pour voir comment ça se passe. J’aimerais également développer mes activités de création de spectacles complets en Asie. Mais le Covid m’a fait réaliser quelque chose : j’ai déjà accompli un magnifique parcours et j’ai eu la chance de réaliser de belles choses. C’est une belle leçon de vie. Qu’importe d’avoir mon nom sur une affiche. L'essentiel pour moi, c’est qu'à 52 ans, je peux affirmer que je n'ai pas travaillé un seul jour. Mon job, je le vis, et c’est comme ça que cela doit être.”

Professionnalisation

Steven Martin a également vu le secteur se métamorphoser ces 20 dernières années. “Le secteur s’est énormément professionnalisé à tous les niveaux. Il y a 20 ans, on voyait déjà de chouettes spectacles. Mais ce n’est pas comparable à ce qui se fait aujourd’hui, notamment parce que la technologie de l'époque était encore assez rudimentaire. Il y a 20 ans, les maisons de production de contenu n’existaient pas. La régie se résumait à quelqu’un expliquant où, quand et quoi faire. Aujourd’hui, le régisseur est devenu une part essentielle de l’organisation, le chef d’orchestre de l’ensemble. Et pour finir, j’ai vu se développer la coordination de la sécurité, une évolution majeure pour le secteur. Et n’oublions pas non plus la technologie LED, la réalité virtuelle en 3D, l’I.A.…”

Fier du secteur

Steven Martin est un véritable ambassadeur du côté artisanal de sa profession. «Je dessine beaucoup, je travaille avec des storyboards, des visuels en 3D, Photoshop, des échantillons de matériaux et de textiles… Je ne travaille pas non plus depuis ma boîte mail, mais autour d’une table, afin de créer l’ambiance d’un atelier. Je trouve dommage que tout soit devenu si propre et carré de nos jours. Nous ne sommes pas suffisamment fiers de notre secteur. Pourquoi dissimuler la plus belle partie de notre job, celle qui laisse le mieux voir notre expertise ? On dirait qu’il faut absolument cacher au client notre façon de travailler. Il ne peut voir que le produit fini. Pour moi, il est tout aussi intéres­sant d’impliquer le client dans le processus quasiment artisanal de la production. Lui faire ressentir le travail, la création, l’évolu­tion pas à pas du concept. Le client prend ainsi réellement part à la construction du projet. Nous créons véritablement ensemble, permettant au client de s’approprier réellement le projet”, conclut Steven Martin.