Technologies de l’événement

Nov 21, 2024, 20:14
Les salons virtuels vont perdurer

Les salons virtuels vont perdurer

15 septembre 2022

À l'instar des collègues de l'événementiel, le secteur des salons a également vécu une période difficile ces deux dernières années. Néanmoins, des solutions digitales ont, ici aussi, fait leur apparition. Cependant, avant même l’irruption de la pandémie, Diego Dupont, CEO de Fairtual, était d'avis que l'avenir des salons serait au moins partiellement virtuel. "En fait, sans s’en rendre compte, les événements hybrides existent depuis déjà des décennies."

Issu du secteur des RH, Diego Dupont a possédé sa propre agence de recrutement qu'il a revendue en 2016. "Après l'expiration de ma clause de non-concurrence fin 2019, j’ai voulu refaire quelque chose dans les RH. J'ai alors eu l'idée, avec un collègue, d'organiser des salons de l'emploi virtuels. Au cours de ma carrière, j'ai assisté à de nombreux salons de l'emploi, qui n'étaient pas toujours efficaces. Lorsqu’un salon de l'emploi sert uniquement à collecter des CV, cela s’apparente en fait à une boîte aux lettres très coûteuse. Lorsqu'un exposant doit avoir deux recruteurs sur son stand en permanence, cela entraîne une énorme perte de temps. Et pour ce qui concerne les visiteurs, l’accès est relativement complexe, surtout pour les chercheurs d’emploi actifs, qui doivent travailler en journée. C'est pourquoi nous avons voulu étendre la formule avec un salon de l'emploi en ligne, accessible 24h/24, et permettant de travailler beaucoup plus efficacement."

Salon maison virtuel

Quelques mois à peine après le lancement de ce salon de l'emploi virtuel, notre pays se retrouvait confiné en mars 2020. "Évidemment, cela nous a quelque part rendu service. Notre salon de l’emploi virtuel a soudainement attiré beaucoup plus d’exposants et de visiteurs. Parmi nos exposants figurait notamment Conway, un distributeur belge actif sur le marché de la consommation sur le pouce. Cet acteur est très dépendant des salons maison qu'il organise, qui lui permettent de rencontrer ses clients et fournisseurs. C'est pourquoi il nous a demandé d’élaborer un salon virtuel spécifiquement sur mesure. Nous avons créé une plateforme sur laquelle les fournisseurs de Conway avaient chacun leur propre stand, où ils pouvaient présenter leurs nouveaux produits, et où il était également possible de passer des commandes. Ce fut un énorme succès, avec davantage de visiteurs et d'exposants. L'initiative a dès lors rapidement connu une suite."

“Les salons virtuels attirent plus de visiteurs, parce que les gens ne doivent plus se déplacer et parce que le salon peut rester en ligne pendant une plus longue période.”

Des mètres carrés coûteux

Pour Diego Dupont, plusieurs éléments clés expliquent le succès des salons virtuels. "Premièrement, cela permet d’attirer plus d'exposants. Les risques sont moindres parce qu’ils ne doivent plus débourser des milliers d'euros pour quelques mètres carrés. Et ils n'ont pas à se soucier du montage, du démontage ni de la présence de personnel. À côté de cela, les salons virtuels attirent également plus de visiteurs, parce que les gens ne doivent plus se déplacer et parce que le salon peut rester en ligne pendant une plus longue période. Nous constatons également que les chiffres des ventes sont souvent plus élevés. Lors du premier salon de Conway, les ventes ont été jusqu'à 60% plus élevées. Enfin, en tant qu'organisateur, cela permet également de collecter énormément de données. Vous savez parfaitement qui a visité quel stand, quelles informations ont été téléchargées, etc. Lorsque vous pouvez analyser ces données intelligemment et les mettre à la disposition des exposants, cela vaut son pesant d'or."

D’anciennes recettes ont été affinées

Élément frappant: Fairtual avait déjà commencé à élaborer son concept avant la crise du coronavirus. "Avant même la pandémie, il était déjà évident que le modèle traditionnel des salons ne fonctionnait plus. Je pense ici par exemple à plusieurs salons grand public qui attirent de moins en moins de visiteurs et dont les grands exposants se détournent de plus en plus parce qu'ils n’ont plus envie d’investir des sommes élevées dans un stand pour seulement quelques jours. Ce n’est plus rentable. Les organisateurs doivent réfléchir à un autre modèle. Il faut oser envisager une recette hybride: davantage de visiteurs, davantage d'exposants, davantage de ventes et davantage d'interaction. Les organisateurs se rabattent pourtant encore sur l'ancien modèle. Souvent, l'organisateur est également l’exploitant du complexe, et compte surtout sur les tickets de parking, les bouteilles de boisson coûteuses, la restauration, etc."

Un solide complément

Pour Diego Dupont, les salons virtuels ne doivent pas nécessairement supplanter leurs homologues physiques. Que du contraire. Il croit totalement en la formule hybride. "Les gens pensent à tort que si vous proposez également une composante digitale, ce sera au détriment du salon physique. Ce n'est pas du tout le cas. La composante virtuelle permet de faire démarrer un salon physique quelques semaines au préalable. Les visiteurs pourront ainsi se faire une bonne idée de ce que leur réservera le salon ainsi que des exposants qui y seront présents. Ils pourront aussi déjà télécharger certains contenus et éventuellement fixer des rendez-vous lors de l'événement physique. C'est encore rare en Belgique, mais en France, cette pratique est déjà devenue normale. Je voudrais me rendre à Paris tout le temps, car il y a des événements intéressants chaque semaine. Mais ce n'est pas possible en pratique. Heureusement, bon nombre de ces événements sont également digitaux. Telle est la valeur ajoutée que la composante digitale apporte à la composante physique."

L'esthétique compte aussi

En déambulant sur un salon physique, vous serez naturellement attiré par certains exposants voyants, auxquels vous n’auriez peut-être pas prévu de rendre visite initialement. C’est également possible sur les salons virtuels. "Les environnements que nous avons créés jusqu'à présent sont des environnements immersifs. Ce ne sont pas des jeux vidéo, mais bien des environnements qui paraissent réels. Les stands peuvent également être réalisés sur mesure et personnalisables en termes de look & feel. Il sera aussi possible de vivre l’expérience avec des lunettes VR, mais ce n'est pas nécessaire. Si ce ne sera pas nécessaire pour un salon de l'emploi par exemple, il existe d'autres salons qui s'y prêtent mieux. Cela pourra se faire dans le navigateur, avec une navigation très simple. Le gros souci, par contre, se situe au niveau de la communication. De nombreux organisateurs habitués à organiser des événements physiques sont très portés sur la gestion opérationnelle. La gestion d’événements digitaux revêt cependant au moins autant d’importance. Il ne faut pas croire que cela va aller tout seul. C'est un peu comme une boutique en ligne: une fois celle-ci mise en ligne, il ne faut pas croire que les commandes vont affluer toutes seules. Un bon plan de communication s’avère aussi important que dans le monde physique.

“Les événements hybrides existent en fait depuis déjà des décennies. Vous pouvez aller voir un match de foot au stade, mais beaucoup plus de gens le regarderont à la télé.”

ThreeDee World

Entre-temps, Fairtual a déjà élaboré quelque 80 événements au cours des deux dernières années. "Les applications sont très vastes. Chaque exposant peut accéder à un système de backend propre, lui permettant de tout choisir: la taille du stand, son design, les couleurs, etc. Les visiteurs peuvent y visionner des vidéos, consulter des fiches techniques, examiner les produits, et même chatter en vidéo avec les exposants. Nous avons créé des salons pour les secteurs les plus divers. Comme par exemple un salon aéronautique où les ingénieurs pouvaient examiner les nouveaux moteurs d'avion en 3D. Notre complexe pour salons virtuels ou Central Trade Fair Pavilion s’est entre-temps agrandi avec un monde en 3D plus large, baptisé ThreeDee World. Celui-ci associe différentes zones, avec des espaces d'exposition, des espaces publicitaires, des lieux de congrès, une salle de concert et même des appartements. Il s’agit d’un monde où nous voulons créer des zones thématiques et où les entreprises peuvent installer leurs showrooms."

Monnaie courante

"Finalement, nous ne faisons que prolonger le modèle hybride que nous connaissons depuis longtemps, sans vraiment nous en rendre compte. Les événements hybrides existent en fait depuis déjà des décennies. Vous pouvez aller voir un match de foot au stade, mais beaucoup plus de gens le regarderont à la télé. Idem pour les concerts. Ceux-ci peuvent être diffusés en livestreaming. Lorsque le concert affiche complet, d'autres fans peuvent également y assister dans un environnement virtuel. Vous pouvez alors proposer du contenu supplémentaire, comme une visite des coulisses ou du merchandising exclusif. Cela crée de la valeur ajoutée, et les gens sont vraiment prêts à payer pour cela. Nous n’en sommes encore qu’au début. Mais je pense que, d’ici cinq ans, les salons virtuels seront vraiment monnaie courante. L'évolution est très rapide. Bientôt, nous aurons tous la 5G et pourrons alors surfer encore plus vite. Les investissements sont nombreux et la recherche bat son plein. On assiste chaque jour à de nouveaux développements, et c’est particulièrement excitant", conclut Diego Dupont.