L’événementiel s’est adressé à la Commission de la Chambre des représentants
29 mai 2020Au nom de l’Alliance des Fédérations Evénementielles, Bruno Schaubroeck s’est exprimé devant la Commission des Affaires sociales, de l'Emploi et des Pensions de la Chambre des représentants. Il a demandé aux parlementaires des perspectives destinées à sortir de la crise de manière ‘active’, de même que des mesures de soutien supplémentaires pour le secteur.
La Commission des Affaires sociales, de l'Emploi et des Pensions de la Chambre des représentants discute actuellement de plusieurs projets de lois concernant le secteur culturel, artistique et événementiel. Voici le message que Bruno Schaubroeck, porte-parole de l’Alliance du secteur événementiel, leur a adressé cet après-midi :
Chers représentants,
Nous nous connaissons,
Les membres de cette commission connaissent très bien notre secteur
Souvent en période électorale mais à d’autres moments aussi
Nous sommes ceux qui vous aident
Qui vous fournissent la scène et le micro
Qui vous mettent en lumière sur la scène
Qui vous permettent de ‘faire votre truc’ dans les meilleures conditions.
Pour l’instant, c’est impossible.
Nous sommes 80.000 dans ce secteur. 40.000 employeurs et 40.000 personnes qui travaillent sous d'autres statuts. Des personnes résilientes, débordant d’énergie et de talent. Nous sommes plus de 3.000 entreprises, souvent de très petites structures, d’authentiques PME belges. La plus grande entreprise de notre secteur dénombre 200 travailleurs à plein temps.
La valeur essentielle de nos entreprises, c’est le capital humain. Des personnes que nous devons protéger. Si des personnes quittent nos entreprises – ou sont contraintes de le faire –, c’est une valeur précieuse que nous perdons.
Nos travailleurs sont volontaires et flexibles. Ils l'ont démontré au moment du 11 septembre, au moment de la crise financière de 2008 et après les attentats de Paris et Bruxelles. Nous travaillons toujours dans l’ombre. De jour comme de nuit.
Notre secteur a été le premier touché par le Covid 19. D’abord par l'interdiction des événements de plus de 1.000 personnes, puis, 24 heures plus tard, par l'interdiction de tous les événements. On ne nous a pas ordonné de fermer nos entreprises, mais on nous a interdit d’exercer nos métiers.
Notre secteur est méconnu. Nous sommes le maillon qui unit l’économie, la culture, le sport, le divertissement et l’Horeca. Et pourtant, nous n’avons pas de ministre attitré...
Nous sommes un secteur sain et dynamique. 2018 et 2019 ont été de très grandes années, et 2020 s’annonçait très prometteuse. D’après les données de Graydon, notre marché recèle une multitude de petites PME très diversifiées, ce qui fait de nous l'un des secteurs les plus sains du pays. Sur la scène événementielle internationale, nos PME belges font même partie du top mondial.
Jour et nuit, partout dans le monde, que ce soit pour les Jeux olympiques ou un lancement de produit régional: ‘the show must go on’.
Nos petites PME ne disposent pas de grandes réserves de liquidités, ce qui les rend vulnérables. Les chiffres démontrent que 90% des entreprises du secteur sont menacées de faillite suite à cette crise.
Chaque événement nécessite plusieurs mois de préparation, ce qui aura aussi un impact sur la reprise de nos activités. Si les choses ne sont pas clarifiées d’ici peu, il n’y aura pas de salon ou d’événement d’entreprise début septembre.
Chaque événement – et il y en a 70.000 par an rien qu’en Belgique – nécessite au moins 9 sous-traitants. Et tous dépendent tous du même ‘budget événementiel’. L’organisateur, le propriétaire de la salle, l’entreprise de son et lumière, le traiteur et son personnel, le décorateur, le freelance, l’artiste et même l’étudiant jobiste. Si l’argent ne rentre pas chez l’organisateur, c'est donc tout un secteur qui sera confronté à un énorme problème de cashflow.
Nous sommes un secteur où les entreprises sont concurrentes un jour, puis et collègues le lendemain pour mener à bien de grands projets. Il leur arrive même de se fournir l’une chez l’autre.
Il y a 3 saisons pour notre secteur: le printemps, l’été et l’automne. Pour les visiteurs, l’expérience est différente, pour nous, le job est le même. Les festivals d’été sont l’aspect le plus visible de notre filière, le plus médiatisé. Mais nous organisons aussi des roadshows, des salons (professionnels ou grand public), des événements d’entreprise et bien d’autres choses encore en Belgique.
Jusqu’à 200 événements par jour. Tous les jours. Tous les week-ends et tous les jours fériés.
Fin mars, les membres de notre secteur ont été interrogés par la Haute-Ecole Karel de Grote. Les agences événementielles avaient alors estimé que leur perte atteindrait 1,3 milliard € de chiffre d’affaires, contre une perte cumulée de 3,6 milliards € pour les sous-traitants du secteur. C'est donc près de 5 milliards d’euros qui se sont tout simplement volatilisés.
Nous voilà 2 mois plus tard. Beaucoup de nos travailleurs étaient prêts à expédier du matériel pour des événements sportifs, des festivals et des événements musicaux partout en Europe. Tous sont désormais annulés. Les pertes continuent à s’accumuler.
Notre secteur n’est pas très bien – voire mal – structuré. Aujourd'hui, nous ne disposons pas d’uniformité au niveau des commissions paritaires ou des codes Nace. Quant aux données chiffrées sur notre secteur, elles sont très limitées.
Mais nous apprenons vite! Le dossier ‘Commission Paritaire pour le secteur événementiel’ est prêt à être introduit auprès du SPF ETCS. Nous espérons d’ailleurs pouvoir compter sur votre soutien.
En moyenne, un événement se prépare en 3 mois minimum, et nos clients nous règlent dans un délai de 60 jours. Vous comprendrez pourquoi nous demandons urgemment des perspectives pour notre secteur. Surtout quand on sait que – même dans ce cas –, il faudra encore ajouter 5 mois pour donner une bouffée d’oxygène financière à nos entreprises.
Ce que nous demandons, ce sont des perspectives et surtout des mesures pour s’en sortir de manière ‘active’ et protéger notre capital humain.
Car c’est ce que nous allons faire en tant que secteur, et ce que nous allons devoir faire: travailler pour nous en sortir. Car nous aimons prendre les choses en main. Nous l’avons déjà fait. Nous avons développé un outil, l’ERM (Event Risk Model), un modèle scientifiquement appuyé par la Haute-Ecole Karel de Grote, qui a déjà été présenté au GEES. Ce modèle va nous permettre d’organiser à nouveau certains types d’événements, de manière sécurisée et contrôlée – avec prudence, évidemment.
La nervosité est de plus en plus palpable dans le pays, y compris dans notre secteur, mais cela aurait été le cas, même sans le Covid 19. Les Diables Rouges auraient participé à l’Euro le mois prochain, les scènes, écrans et installations son et lumière auraient fleuri partout dans le pays et nos salariés, dont la passion est de rassembler les gens, se seraient réjouis dans l’ombre de partager ces moments festifs avec tout le pays.
Nous vous remercions sincèrement pour votre présence ici, et nous vous demandons concrètement de prendre en considération les mesures suivantes pour notre secteur:
Pour les salariés de nos entreprises
- Extension et prolongation du système de chômage technique pour cas de force majeur au moins jusqu’à la fin de cette année, et idéalement jusqu’en avril 2021. Pourquoi l’année prochaine? C’est simple: les entreprises saisonnières, qui vivent des festivals d’été, dont on connaît la qualité en Belgique, se retrouvent dans l’expectative pour toute une année. C’est la seule solution juste et intéressante à prendre pour le gouvernement. Dans le cas contraire, c’est une hécatombe de faillites et de réorganisations qui nous attend, au détriment des salariés.
- Le régime de mise à disposition doit être assoupli au niveau sectoriel. Ce qui permettrait d’optimiser la solidarité mutuelle.
Pour les freelances et chefs d’entreprise indépendants
- La prolongation du droit passerelle est une nécessité absolue, simultanément avec le chômage technique.
Salariés
- Pour les salariés, une solution spécifique doit être trouvée, avec une période précédente à laquelle se référer pour la perte de travail durant ces saisons. À défaut de solution, les nombreux salariés de notre secteur devront tôt ou tard se tourner vers le CPAS.
Pour toutes ces personnes, nous devons réfléchir à long terme. Nous ne sommes pas encore tirés d’affaire, loin de là. Pour beaucoup, ce pourrait bien être une année sans activité.
Général
- Étant donné l’assèchement financier de notre secteur, il faut se diriger vers un report structurel des paiements de la TVA, des charges sociales et des impôts sur les sociétés.
- Il faut mettre en place un fonds de garantie gouvernemental pour les entreprises de notre secteur par rapport à leurs sous-traitants, en particulier les freelances et les salariés, mais aussi les créanciers. Si l’organisateur n’est pas payé, les fournisseurs ne le sont pas non plus. Le volet 'garantie' est essentiel pour protéger tous les intervenants. Nous avions besoin de tout le monde et il en sera de même à l'avenir.
- Soutien aux banques qui doivent soutenir les entreprises de notre secteur. Nous devons éviter que les banques soient obligées de demander aux entreprises des garanties supplémentaires avant de pouvoir aborder la possibilité d’une aide aux entreprises de la part du secteur bancaire. Combler un trou en en creusant un autre ne mène qu’à de plus grands trous.
Chers représentants, je conclurai en insistant sur la valeur sociale des événements, au sens le plus large du terme. Les événements sont vecteurs d’émotion, ils réunissent les personnes, ils créent des amitiés et même parfois de nouvelles histoires d’amour. Nous créons une cohésion au sein de la société. Nous sommes un outil essentiel et nous boostons l’économie, souvent avec un côté festif, et oui c’est vrai, nous ne sommes pas les derniers à faire la fête.
Nous espérons pouvoir à nouveau le faire en toute sécurité, dans un avenir proche et encore longtemps après.
Mais pour l’instant, les nombreux travailleurs de l’ombre attendent en coulisses et comptent sur votre soutien.
Bruno Schaubroeck
Porte-parole de l’Alliance du Secteur événementiel
ACC - BECAS / UPT - BESA - FEBELUX