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Des mois clés pour le dossier de la commission paritaire du secteur événementiel

Des mois clés pour le dossier de la commission paritaire du secteur événementiel

07 mars 2023

Une commission paritaire propre, taillée sur mesure pour le secteur événementiel. Ce sujet, sur la table des différentes fédérations depuis plus d'une décennie, semble cependant désormais enfin enclencher la vitesse supérieure. 2023 s'annonce une année capitale pour ce dossier, lors de laquelle devront être prises plusieurs décisions importantes. Pour faire le point, nous nous sommes entretenus avec Stijn Snaet d’Event Confederation et Katrien Vermeire de Sound Of Silence.

Event Confederation et Sound of Silence sont deux entités ayant vu le jour au cours de la première année du coronavirus. Elles défendent chacune à sa manière les intérêts du secteur événementiel. "Avec l’Event Confederation, nous recherchons toujours la solution constructive", déclare Stijn Snaet. "Lors de la crise du Corona, il importait avant tout de pouvoir accéder à la table des décideurs – ce que nous avons réussi à faire assez rapidement – pour ensuite pouvoir conclure des accords. Mais c'est bel et bien Sound of Silence qui, de l’extérieur, a mis la pression sur le monde politique afin qu'ils continuent de parler avec nous. Ce tandem a donc très bien fonctionné."
"Nous avons chacun nos contacts, ce qui nous rend très complémentaires", ajoute Katrien Vermeire. "Nous pouvons être un peu plus entreprenants et audacieux, là où la confédération doit peut-être se montrer plus prudente. Nous voulons tous deux que notre secteur aille de l'avant."

Définissabilité

Rassembler l'ensemble du secteur événementiel au sein d'une seule et même commission paritaire constituerait une avancée importante. Cela permettrait de définir beaucoup plus clairement le secteur. "A ce jour, notre secteur est pratiquement impossible à définir", explique Stijn Snaet. "Lorsque nous voulons demander des chiffres sur le secteur événementiel auprès de la Banque Nationale, ce n’est tout simplement pas possible. Nous devons donc définir plus clairement notre secteur et lui donner son propre visage. Cela nous rendra aussi beaucoup plus résistants. En effet, nous passons d’une crise à l’autre: crise financière, coronavirus, énergie... Et pour cette nouvelle année nous attendent également des défis qui vont vraiment faire mal. Nous devons donc nous atteler à devenir véritablement résistants aux crises. Ce que nous pourrons faire en définissant mieux notre secteur. Lorsque cela sera nécessaire, il sera ainsi beaucoup plus aisé de lever la main et de dire: c'est là qu’il faut intervenir."

“Nous devons donc définir plus clairement notre secteur et lui donner son propre visage. Cela nous rendra aussi beaucoup plus résistants.” – Stijn Snaet

 "Durant la crise du coronavirus, j'ai assisté à une audience au Parlement flamand consacrée au chômage temporaire", ajoute Katrien Vermeire. "Lors de celle-ci avait été présenté un graphique reprenant les secteurs ayant le plus recours au chômage temporaire. Le secteur événementiel n'y figurait même pas! Alors que nous étions un secteur ayant fortement recours à ce type de chômage. Mais nous n'existions tout simplement pas dans l'esprit des décideurs, car ils n’arrivaient pas à nous cerner. Contrairement à d’autres secteurs, comme l’horeca par exemple." Stijn Snaet: "d'autres secteurs ont effectivement pu obtenir davantage de soutien parce qu'ils pouvaient dire précisément ce qu’ils rapportent à la société, combien d’impôts ils paient. Nous demandons que nos travailleurs bénéficient d’autant de soutien. Nous devons régler ce problème avant que la prochaine crise ne survienne."

Éliminer les zones grises

Avoir sa propre commission paritaire devrait également permettre au secteur événementiel de travailler dans la conformité au niveau socio-juridique. "Actuellement, nombre de nos entreprises travaillent encore dans des zones grises", affirme Katrien Vermeire. "C'est pourquoi il est si important d'avoir notre propre commission paritaire, pour enfin clarifier les choses. Mais il faut être réaliste. Nous ne pouvons légalement travailler que 12 heures. Un problème que nous résolvons souvent avec des statuts de freelance, mais nous constatons que de nombreux travailleurs aspirent tout de même à un statut fixe. Ils veulent une place fixe, où ils recevront des formations, où ils seront soutenus et correctement rémunérés, dans un cadre juridique approprié."
"Nous devons évoluer en tant que secteur", poursuit Stijn Snaet. "L'équilibre entre vie professionnelle et vie privée est en effet beaucoup plus sensible chez les jeunes générations. Les premières années, j'ai parfois travaillé jusqu'à 20 heures par jour. Et je ne dirai pas que cela n'arrive plus aujourd'hui. Mais il faut oser reconnaître qu'il y a aussi eu des excès. Et, à long terme, cela équivaut à se tirer une balle dans le pied. Des accidents arrivent, les équipes s'épuisent et décrochent. Il faut donc améliorer cet équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Travailler 16 heures par jour n'est plus possible, et cela ne le sera plus jamais en Belgique. Mais cela, tout le monde le sait. D’ailleurs, si aujourd’hui vous travaillez 16 heures par jour en tant qu'employé, cela ne pourra jamais être payé de manière juridiquement correcte. On recherchera alors toujours une solution à la belge, dans la zone grise. Mais il faut tout simplement que cela cesse."

Un cadre concurrentiel plus équitable

L'élimination des zones grises créera aussi directement un cadre concurrentiel plus équitable. Stijn Snaet: "une seule et même commission paritaire au sein du secteur créerait également un cadre concurrentiel identique pour tous. Ce qui est loin d'être le cas aujourd'hui. Des entreprises concurrentes peuvent aujourd’hui ressortir de commissions paritaires différentes, ce qui signifie qu'elles ont des échelles salariales différentes, des conditions de rémunération et de travail différentes, des avantages extralégaux différents... Créant ainsi une différence concurrentielle entre des entreprises ou des services similaires."

Aperçu de la situation actuelle

Bref, les raisons de réunir toutes les entreprises événementielles dans une seule et même commission paritaire ne manquent pas. Mais il y a beaucoup de facteurs à prendre en compte. "On note une envie et une tendance générale à réduire le nombre de commissions paritaires", poursuit Stijn Snaet. "Les syndicats, surtout, demandent de vider autant que possible les commissions paritaires complémentaires CP 100 et CP 200, qui sont encore et toujours les plus importantes aujourd’hui. Ils veulent rassembler le plus grand nombre de travailleurs possible dans un cadre adapté à leur secteur, au lieu de continuer à généraliser. Pour nous, il s'agit également d'une demande légitime. Ces derniers mois, nous nous sommes plongés dans les listes de membres de toutes nos fédérations, en répertoriant les commissions paritaires auxquelles sont affiliées nos entreprises. Ce qui frappe directement, c’est que, sur les 17.000 ETP, 5.600 relèvent de la CP 200. Environ 3.500 travailleurs relèvent de la CP 322 pour le travail intérimaire et 2.900 travailleurs de la CP 304."

À côté de cela, l’Event Confederation a demandé à ses membres quelles descriptions ils trouvent importantes au sein d'une commission paritaire. Stijn Snaet: "je pense, par exemple, à la grande flexibilité, aux temps de trajet et d’arrivée, aux indemnités de repas, aux réglementations sur le travail de nuit, aux jours de déplacement... Des questions typiques et propres au secteur, pour lesquelles nous cherchons vraiment une solution et que nous ne trouverons jamais dans la CP 200. Tel est l'exercice sur lequel nous sommes en train de plancher: que voulons-nous retrouver dans la CCT? Ce sera le point de départ pour les discussions avec les syndicats. Parce qu’il ne faut pas oublier que nous ne sommes que la moitié de la table. Les syndicats ont ici naturellement aussi leur mot à dire. Cela concerne tant les employeurs que les travailleurs. Il en va de l’intérêt de tous."

Deux voies possibles

Ces dernières années, le monde politique a fait montre de suffisamment de bonne volonté pour obtenir le feu vert à la création d'une nouvelle commission paritaire propre au secteur événementiel. Cela ne signifie cependant pas qu’il s’agit de la seule voie possible. "Créer notre propre commission paritaire sera long et complexe", explique Stijn Snaet. "Parce que nous devons partir d’une feuille blanche pour finalement arriver à une CCT complète. Il s’agit d’un processus de longue haleine, qui peut prendre des années. Parce que les syndicats auront eux aussi besoin de temps pour examiner le projet. L'autre voie consiste à rejoindre une commission paritaire existante, et d'examiner dans celle-ci ce qui sera nécessaire pour adapter la description des domaines de celle-ci. Le CP 304 forme ici l'option la plus souvent proposée. Il existe cependant d'autres possibilités, comme les commissions paritaires ‘Ameublement et transformation du bois’ (CP 126), ‘Électriciens’ (CP 149) et ‘Industrie hôtelière’ (CP 302), dans lesquelles on retrouve déjà aujourd’hui de nombreuses sociétés événementielles. Mais vous ne pourrez jamais regrouper tout le monde dans ces commissions-là. On se tourne alors rapidement vers la commission paritaire du spectacle, la CP 304. D’autant plus maintenant que les flexi-jobs y sont d’applications depuis le 1er janvier."

CP 304

"De très nombreuses entreprises de notre secteur relèvent actuellement de la CP 200", précise Katrien Vermeire. "Celle-ci ne réglemente pas le travail le week-end, sauf lorsque la grande flexibilité est demandée. Même si les barèmes dans la CP 304 sont certes plus élevés, vous pouvez travailler maximum 12 heures par jour. C'est cela la grande flexibilité, et vous êtes alors couvert du point de vue socio-juridique pour le travail le week-end. Tous ces éléments sont importants. De plus, la CP 304 a déjà parcouru un bon bout de chemin, que nous devrions seulement commencer à parcourir si nous devions créer notre propre commission paritaire. Sachant que les décideurs politiques veulent bien nous accorder notre propre commission paritaire tout en réduisant le nombre de commissions paritaires, le calcul est vite fait. Sound of Silence préconise donc de rejoindre la CP 304. Est-ce que cela règlera tout? Non, loin de là. Il restera encore des problèmes au niveau des temps de déplacement par rapport aux heures de travail, de la compensation des heures supplémentaires... Mais si une grande partie du secteur rejoint cette commission, nous pourrons peser sur ces points. En fait, si les entreprises veulent pouvoir recourir aux flexi-jobs, elles doivent rejoindre la CP 304. Car, actuellement, les flexi-jobs pour le secteur événementiel sont réservés à la CP 304 et à l'éventuelle future commission paritaire du secteur événementiel. Mais quand on sait que ce trajet pourrait prendre encore 5 à 10 ans, la CP 304 constitue en fait une passe décisive que nous devons transformer en but."

Aspirer à une solution pour tous

"Actuellement, la CP 304 est limitée à tout ce qui touche à un spectacle", explique Stijn Snaet. "Cela signifie qu'il n’est pour l’instant pas évident pour les constructeurs de stands, les sociétés de location de mobilier, les constructeurs de chapiteaux, les agences, etc., d’y adhérer. Mais entre-temps, nous avons consulté le SPF Emploi, Travail et Concertation sociale. Nous lui avons soumis une vingtaine d'exemples d'entreprises, en leur demandant si elles pourraient rejoindre la CP 304, et quelles seraient les obstacles éventuels. Cet exercice est toujours en cours. Parce que nous voulons trouver une solution pour tous. Trouver aujourd’hui une solution pour 70% des entreprises, mais laisser les 30% restants sur le carreau n’aurait aucun sens. Nous ne serions toujours nulle part. Parce que nous ne pourrons jamais créer une solution pour ces 30%. Et c'est là tout le contraire de l’objectif que nous poursuivons, à savoir la délimitation, la définition et la visibilité du secteur. Je pense que nous en saurons déjà beaucoup plus dans six mois. Les mois à venir détermineront clairement la direction que nous prendrons. Le chemin restera à parcourir, mais au moins, il sera tracé."

“Chez Sound of Silence aussi, nous avions au début l'impression que cela n'avançait pas. Mais en regardant régulièrement dans le rétroviseur, je sais qu'un énorme travail de fond a été réalisé.” – Katrien Vermeire

Tirer la charrette avec le plus grand nombre possible

Le dossier de la commission paritaire montre une fois de plus que le travail d’une fédération est un travail de longue haleine, ce qui suscite parfois des critiques. "On entend parfois des entreprises ou des employeurs dire que les fédérations n'ont pas fait leur travail correctement. Il est vrai que de tels dossiers prennent du temps. De plus, tout ce que nous faisons n'est pas directement visible. Il faut parfois attendre que les astres soient correctement alignés. Mais ceux qui ont pu suivre cela de près savent qu'il y a eu suffisamment d'appels à la coopération. Car nos entreprises doivent aussi se rendre compte qu'elles sont elles-mêmes les fédérations. Cela dépend naturellement aussi du moteur que l'on veut mettre dans une fédération. En d'autres termes, des moyens disponibles. Dans ce récit, chaque contribution est utile. N'attendez pas que quelqu'un d'autre investisse pour vous. Chaque entreprise peut apporter sa pierre à l’édifice, participer aux réunions, aux groupes de travail... Tout cela permet d'avancer."
"Chez Sound of Silence aussi, nous avions au début l'impression que cela n'avançait pas", confirme Katrien Vermeire. "Mais en regardant régulièrement dans le rétroviseur, je sais qu'un énorme travail de fond a été réalisé. Il reste important de continuer à tirer la charrette avec le plus grand nombre possible, et d’appeler tout le monde à rejoindre une fédération. Pas seulement les grandes entreprises, mais aussi le petit loueur de châteaux gonflables du coin de la rue. L'importance de la commission paritaire ne se limite pas à définir le secteur et assurer sa visibilité, c’est bien plus que cela, cela porte sur un certain mode de vie, et sur la manière dont nous voulons nous professionnaliser davantage en tant que secteur. On oublie souvent que l’union fait la force."