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"Le capital humain et un nouveau métier, les futurs enjeux du secteur événementiel"

"Le capital humain et un nouveau métier, les futurs enjeux du secteur événementiel"

18 mars 2021

Le 13 mars 2021 a marqué le triste anniversaire du début du confinement et, avec lui, de la mise à l’arrêt pratiquement totale du secteur événementiel. Née précisément en pleine crise du coronavirus afin de rassembler les différentes fédérations nationales de l’événementiel belge et, par-là, tous les acteurs belges du secteur ‘live’, l’Event Confederation a réussi à se rendre incontournable pour faire entendre la voix de ce secteur parmi les plus durement touchés par la crise sanitaire. Vinciane Morel, sa présidente, a accepté de répondre à nos questions et revient ci-après sur les activités de l’Event Confederation, sur ses avancées ainsi que sur les perspectives pour ce secteur dont vivent – ou plutôt vivaient – 80.000 personnes…

Bonjour Vinciane, peux-tu nous présenter à nouveau brièvement la mission de l’Event Confederation?

"L'objectif de l'Event Confederation consiste à défendre les intérêts des fédérations nationales du secteur événementiel belge. À court terme, l'Event Confederation veut aider le secteur à traverser la crise du Covid, en communiquant avec ses membres pour leur donner toutes les informations nécessaires sur les aides ou les formations disponibles. Mais elle veut aussi et surtout, à travers un rôle de lobbying, défendre les points de vue de ses membres face aux autorités, à l'administration, à la presse et aux leaders d'opinion. À long terme, l’Event Confederation veut aussi jouer un rôle socioéconomique à travers quatre piliers, à savoir: la création d’une commission paritaire unique pour le secteur; la création d’une alliance forte entre celui-ci, les autorités, le monde académique et économique; devenir un pilier de la RSE à travers la durabilité, la diversité ou l’égalité; et, enfin, promouvoir la sécurité et la prévention au sein de la vie publique contrôlée.). Ce à quoi l’on peut encore ajouter la promotion de l'innovation et de la technologie, car notre secteur reste un des pionniers du développement technologique, et pas uniquement au niveau du digital."

Quelles sont les avancées obtenues jusqu’à présent par l’Event Confederation pour le secteur événementiel?

"Au départ, le gros problème du secteur événementiel était que celui-ci n'était absolument pas connu ni cartographié comme un secteur en tant que tel. L'événementiel était considéré comme un peu de culture, d'horeca, des festivals, etc. Notre premier travail a donc été d’identifier et cartographier notre secteur, qui représente 80.000 emplois, pour pouvoir mieux le défendre par après. Nous sommes partis de rien en mars 2020, aujourd’hui nous pouvons être fiers d’avoir une vraie légitimité au niveau des cabinets tant régionaux que fédéraux. Nous avons ainsi obtenu différentes avancées, essentiellement en Flandre, avec, entre autres, le système d’avances remboursables et les primes de globalisation pour les grandes entreprises du secteur événementiel. À Bruxelles et en Wallonie nous avons obtenu de nouvelles primes et nous sommes en train de travailler sur un projet de fonds de garantie.  En effet, il n'y aura pas de relance s'il n'y a pas de système d'assurance en cas d’annulation. Un système qui devrait être pris en charge par l'État puisque les compagnies d'assurances à l'heure actuelle ne nous suivent pas.

Nous sommes partis de rien en mars 2020, aujourd’hui nous pouvons être fiers d’avoir une vraie légitimité au niveau des cabinets tant régionaux que fédéraux.

Justement, on note des différences importantes au niveau des aides accordées par les pouvoirs publics flamand, bruxellois et wallon. À quoi sont-elles dues?

"Ces différences sont essentiellement dues au fait que les aides principales sont des aides régionales. Chaque Région a son portefeuille d'aides à accorder, et les montants en Flandre par rapport à Bruxelles et la Wallonie sont très différents, ce qui crée énormément de frustrations. Ces différences criantes ont d’ailleurs été étayées par des études comparatives. Le secteur événementiel étant davantage néerlandophone (70 à 80%), il y a beaucoup plus de pressions économiques au niveau de la Flandre qu'au niveau de Bruxelles et de la Wallonie. Il y a donc un gros poids politique qui pèse dans la balance."

Que répondez-vous aux acteurs événementiels qui affirment que l’Event Confederation ‘n'en fait pas assez’?

"Si certains estiment que ‘nous n’en faisons pas assez’, pour reprendre leurs termes, je pense que cela tient au fait que le travail réalisé n'est peut-être pas suffisamment mis en avant. N’oubliez pas qu’en étant partis de rien dans un secteur qui n’avait pas d'organe de lobbying, nous avons tout de même réussi à obtenir des rendez-vous chez le Premier Ministre ainsi que dans tous les cabinets ministériels, et surtout à être considérés au niveau des médias et des politiques. Nous avons vraiment pris une place incontournable, saluée notamment par un prix aux Lobby Awards 2020. La communication de tout ce travail quotidien et de l’énorme implication du secteur pourrait peut-être, en effet, encore être renforcée afin que tout le monde puisse mieux comprendre toutes les actions mises en place. Comme par exemple le carry-back et la déduction fiscale à 100% des événements, obtenue pour la période de septembre à décembre et que nous devrions remettre sur la table une fois qu'on pourra recommencer à faire des événements. Il y a donc également eu des avancées intéressantes pour la relance."

Quels sont les différents enjeux?

"Les enjeux pour le secteur seront le capital humain et le nouveau métier de l'événementiel. La majorité des 80.000 acteurs qui façonnent notre secteur sont à l'arrêt total ou partiel depuis un an. Passer d'une activité ultra intense, ultra dynamique, passionnée, avec des horaires extrêmes et requérant une implication énorme, comme la nôtre, à 365 jours d'inactivité, c'est très difficile. Avec toutes les conséquences psychologiques, morales et économiques que cela implique. Sans oublier la fuite de nos talents vers des secteurs alternatifs autorisés à poursuivre leurs activités, contrairement à nous. Le jour où nous pourrons reprendre les événements, nous devrons donc recommencer avec moins de personnes et avec des personnes qu'il faudra restimuler et qui devront reprendre confiance dans leur activité d'avant la crise, mais aussi avec une activité qui aura changé. On ne recommencera pas comme en 2019. Les mentalités ont changé, il faudra tenir compte d’une appréhension au niveau sanitaire. Il faudra regagner la confiance de notre public.

Passer d'une activité ultra intense, ultra dynamique, passionnée, avec des horaires extrêmes et requérant une implication énorme, comme la nôtre, à 365 jours d'inactivité, c'est très difficile.

Nous devrons aussi tenir compte du boom digital devenu incontournable. Ce n'est pas parce que l'on pourra recommencer des événements en présentiel qu'il n'y aura plus de digital. Nous devrons donc beaucoup plus tenir compte des événements hybrides, pouvoir connecter des audiences online et on-site. Tout notre écosystème aura changé. Il faudra en outre repartir avec des sociétés ayant souffert économiquement – certaines auront fait faillite, d’autres auront dû licencier. Nous devrons donc vraiment remettre debout tout un secteur qui aura énormément souffert pendant un an, voire même un an et demi minimum car je ne crois pas trop à un redémarrage réel avant l'automne 2021."

À l'heure actuelle, quelle attitude les clients 'corporate' adoptent-ils vis-à-vis de la crise?

"Si certains secteurs ont continué à faire des événements, comme l'institutionnel en général même s’il s’agit davantage de communication que d'événementiel, le secteur corporate a vraiment été gelé pendant un an voire un an et demi. S’il a envie de recommencer, il reste toutefois très prudent. Notamment en raison de l’absence de garanties et d'assurances. S'il y a clairement eu des événements en ligne, on ne peut pas dire que ceux-ci ont explosé. Le 'live' est et restera quoiqu’il en soit le fer de lance de l’événementiel corporate. Certains événements très réussis ayant quand même eu lieu en live, comme le salon maison de BMW à Bornem, démontrent qu’il est possible, même en tenant compte des règles Covid, d’organiser des événements live en mettant tous les protocoles en place. Je pense que tout le travail que nous avons effectué et effectuons pour sécuriser les événements, en développant le Covid Event Risk Model, et en adaptant les protocoles continuellement et ainsi organiser des événements responsables, nous permettront de regagner la confiance de ce secteur corporate."

S'il y a clairement eu des événements en ligne, on ne peut pas dire que ceux-ci ont explosé. Le 'live' est et restera quoiqu’il en soit le fer de lance de l’événementiel corporate.

Enfin, comment entrevoyez-vous la reprise de l’événementiel?

"Il faut pouvoir tenir compte du fait qu'on reprendra, mais qu'on ne reprendra jamais comme avant. Ceux qui ont réussi à s'adapter et à se réinventer auront le plus de chances d'être performants à l’avenir. Il y a aussi une note positive: cette crise nous a peut-être offert l'occasion de réfléchir au second souffle du secteur événementiel. Demain, celui-ci devra réellement tenir compte de tout ce qui est sociétal (RSE), mais aussi digital. Nous redémarrerons donc sur de nouvelles bases, en jouissant d’une considération encore plus grande au niveau des mesures sanitaires, de la prévention et de la sécurité, ce qui nous permettra de proposer des événements encore plus responsables. Quelque part, la conceptualisation de nos événements sera différente. Cependant, cette reprise sera quand même difficile, parce qu'il y a des facteurs qu'on ne maîtrise pas, le plus important d'entre eux étant la confiance. Retrouver la confiance des gens du secteur, mais aussi des clients et des participants à nos événements sera un gros challenge. Par ailleurs, si le gouvernement ne nous aide pas au niveau du cashflow, des mesures et du suivi des banques, nous serons très vite en incapacité de pouvoir reprendre. Enfin, les clients auront aussi leur rôle à jouer au niveau de leurs acomptes et paiements. Car les agences ne pourront plus continuer à jouer à la banque comme elles l'ont si longtemps fait... Nous venons d’ailleurs de lancer une campagne de sensibilisation à cet effet, créée par Ogilvy Roumanie", conclut Vinciane Morel, présidente d’Event Confederation.

 


Deux profils complémentaires

TomBilsen

Dans son rôle de présidente de l’Event Confederation, Vinciane Morel est assistée par son vice-président Tom Bilsen. “Ensemble, nous essayons de faire le lien entre le Conseil d'Administration, qui compte deux délégués de chaque fédération, et la gestion quotidienne, assurée par Bruno Schaubroeck et Stijn Snaet. D’autre part, nous sommes aussi un peu le visage de la confédération aux yeux du public, du gouvernement et des groupes d'intérêts, comme les fédérations et leurs membres. De par mon rôle au sein de la BESA, j’ai l’habitude de faire converger les efforts vers un but commun, j’ai donc accepté d’assumer cette tâche aussi au sein de l’Event Confederation, en tant que vice-président.”

Avec Tom Bilsen – actif depuis dix ans au sein de la BESA – et Vinciane Morel de l’agence VO, l’Event Confederation a choisi deux profils particulièrement complémentaires. “Vinciane apporte une solide expérience au niveau de la partie coporate du marché. Pour ma part, je connais mieux le monde des fournisseurs, mais aussi les événements publics et la sphère des festivals et des tournées. Par ailleurs, j’ai aussi pas mal de contacts internationaux via mon travail pour Stageco. Comparer avec l’étranger est toujours intéressant. Le but n’est pas d’essayer de tout inventer nous-mêmes. Nous pouvons nous inspirer de nos voisins, qui sont parfois plus avancés et ont une réglementation plus claire. Nous pouvons apprendre de ce qui s’y fait déjà.”

Une des choses que Tom Bilsen aimerait concrétiser avec l’aide de l’Event Confederation, c’est un système de réglementation mieux adapté au secteur événementiel. Le secteur événementiel est un patchwork de 1001 métiers. Il n’a pas de véritable identité. Nous reposons sur un ensemble de CP et codes NACE, ce qui engendre pas mal de confusion. C’est une chose qu’il nous faut clarifier, par exemple en créant notre propre commission paritaire. Au-delà de la législation sociale, il y a aussi les réglementations techniques et la sécurité à considérer. Là aussi, il faut standardiser et normaliser davantage, que les choses soient claires pour toutes les parties prenantes. Les choses peuvent se passer de manière très différente d’une commune à l’autre. Il faut donc professionnaliser encore plus tout ce qui touche aux événements. Ce n’est pas changer les règles que nous demandons, mais simplement plus de clarté et des règles adaptées à ce que nous faisons”, conclut Tom Bilsen.